Ce matin je me suis lavé les cheveux. Dans le couloir de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, il y a une dame en fauteuil roulant qui appelle au secours. Je lui demande si tout va bien, si elle a besoin d’aide. Elle le prend mal, me demande si c’est une blague, qu’évidemment elle ne va pas bien, elle est entourée de cons. Je lui dis que je suis sincère, que je l’ai entendue appeler et que je me suis inquiétée. Elle se radoucit et me dit que dans ce cas, elle me donne sa bénédiction.
Comment ça fait de vieillir. Elles disent que c’est pas très drôle, leurs maris sont morts.
Il y en a une qui était artiste à Bâle, son mari était journaliste, ils avaient une grande maison et faisaient beaucoup la fête. Elle m’a donné sa photo. Elle donne aussi des cours d’art thérapie, elle était art thérapeute et maintenant elle donne des cours à l’ehpad aussi.

Alice a amené ses meubles, son armoire et sa commode. Sa plante va mourir. Cette semaine c’est triste puisqu’il y a une quarantaine, les gens doivent manger dans leur chambre, elle trouve ça triste.

Quand je repense à ce qui s’est dit, j’ai beaucoup de tristesse, mais quand je suis en face des personnes, quand je reçois ça ne me rend pas triste. C’est mon propre regard qui est plein de tristesse, je me mets à leur place. Je m’imagine à leur place, il y a une pitié qui advient, c’est dangereux cette pitié qui place tout le monde en victime. Marie Rose a eu un AVC, elle a tout un côté du corps qui est paralysé. Je ne veux pas les rendre tristes, je pose mes questions avec précaution, mais c’est parce que j’ai peur de leur tristesse. Quelle signification ça a pour une artiste de venir dans cet espace, de prendre du matériau, des choses à dire, des choses à écrire. J’aimerais animer les chambres.